Tuesday, October 11, 2005

ely ma zab ou la lanterne magique




Ely ma zab, est une inventive, lunaire, qui entre les pauses "au magasin des quatre saisons" s'échappe en attrapant la lumière zénithale. C'est l'époque du bois blanc, meubles nomades, conçu pour les jeunes ménages. C'est la mode des grandes surfaces et le début des meubles en kit.


Mr L. marié trois fois déjà, avait conçu des cubes que l'on empilait pour réaliser les étagères soi-même. Quel incroyable bonhomme! Avec son Défelcot caramel et ses sabots suédois vous imaginez la touche! Un avant-gardiste, tendance beatniks biznessman en plein coeur de la capitale.


Un vent de folie avait soufflé sur Paris et des personnes venues de je ne sais où s'engouffraient dans le magasin. La queue ne s'arrêtait pas de désemplir de l'ouverture à la fermeture. Rue trousseau, Grenelle au dessus du métro aérien, vous pouviez trouver tout ce que la ménagère de moins de cinquante ans désirait : tissus patchwork, coton fermière, porcelaine blanche,lanterne magique, sabots, salon de thé...Le loft divisé en deux, 1 partie accessoires, l'autre partie pour le meuble.

Le kit c'était la trouvaille de Mr L. bien avant que le grand I fasse fortune...L'expédition était simple et les gens de province commandaient sans arrêt. Il eut même fallu que Mr L. demande de l'aide à l'une de ses ex-femmes pour s'occuper de la comptabilité. Ely ma zab est polyvalente, entre deux services en tant que vendeuse, elle répond par écrit aux personnes de province sur les imprimés.

Aux halls à Paris de 11h du mat à 18h, le magasin tournait comme une usine à gaz avant l'expulsion définitive de celui-ci pour la construction du forum...

Alors, avant que le couperet tombe et change encore une fois la vie d'Ely... Elle imagine un monde bollywoodien, où les essences de santal parfument ses projets futurs, pleins d'humanisme.

Au milieu du dix-septième siècle Altan Khan deviendrait une figure emblématique de la religion tibétaine. Altan tenait de son père -adoptif- une histoire ayant marqué toute sa jeunesse.

Un jeune garçon avait hérité, à la mort de sa mère, d’un bout de terre à cultiver. Il y poussait de nombreux fruits et racines, assez pour nourrir toute une famille. Pris d’une grande solitude, souvent, il se rendait au jardin. Son endroit favori se trouvait près des ronces. Ce long mur blanc que sa mère longeait, y cueillir les mûres qu’elle chérissait tant. Son ombre le surprenait souvent. Il croyait y voir le fantôme de sa mère. Mais il ne se passait jamais rien, si ce n’est que le temps prit de l’avance.

Déjà dix ans, le jeune homme n’a rien vu passer. Il se baissa pour arracher à la terre sa nourriture quand soudain derrière lui une feuille lui murmure :

« sss, mmm, je suis mûre, la mûre sauvage de ton jardin, je crois que mes membres sont trop à l’étroit chez toi. »

Le jeune homme, qui n’en était plus un depuis dix ans, se dressa comme un «i ». Son regard balaya le petit bout de terre dévasté. Plus un fruit ne subsistait, les racines étaient rabougries et ces ronces envahissaient tout l’espace.

« Je n’ai aimé que toi petite mûre sauvage et tu es devenue un monstre. »

La plante avait fait le vide, il n’y avait plus âme qui vive. Lentement elle déroula une de ses branches épineuses et vint prendre appui sur ses épaules.

« Sais-tu que je me suis nourri de ton amour, chaque épine, chaque fruit ne bat que pour toi. »

La lutte dura plusieurs jours, elle était inégale. Son corps pleurait le sang en fines perles.

Le père d’Altan Khan disait l’avoir retrouvé, sans vie, couché dans un lit de ronces. A chaque fois qu’il racontait à son fils cette terrible histoire, il finissait par lui dire : « protège tes amis, aime les tous et sois équitable. »

Altan Khan organise l’Eglise tibétaine en 1642 sous les ordres du dalaï-lama.

Un rêve à dormir debout


Ce soir est un soir comme les autres, j’ai dix-sept ans. Les mocassins de Valérie sont au pied de mon lit. Ce sont des «sébago classics » bleus marine, de taille trente huit. Elle les a oubliés un jour.

Mon lit est placé contre le mur gauche de la fenêtre. Je dis ça parce qu’à l’époque, je changeais toujours les meubles de place. Assise, je vois les mocassins éclairés par la lumière naturelle. Je m’allonge et m’évanouis dans les bras de Morphée, sans penser que cette nuit serait déterminante pour moi.

Les yeux mi-clos et la conscience en stand-by, je sais que ce matin est différent. Des bribes de rêve jaillissent à chaque fois que je ferme les yeux. Ce rêve est trop présent, trop fort, je suis chamboulée. Ma nuit a du être mouvementée car je sens les draps vrillés. La maison n’est pas encore réveillée. Je me redresse et pose mon dos au mur. Je vois les mocassins, je me souviens…


Valérie se tient là debout devant moi, sans que je la voie vraiment, ses yeux peut-être. Je suis rassurée et pleine d’interrogations, au vu des événements. Derrière elle, une fumée blanche tisse un épais nuage lumineux. Elle ouvre ses bas et mon être se dirige vers elle. Mais au lieu de me réconforter, les nuages s’ouvrent sur un décor en contre-jour. Je prends la direction indiquée. Le chemin est long pour arriver jusque là.

En chemin, je rencontre mes grands-parents paternels, souriants et heureux. C’est bizarre car tout ressemble à du carton pâte ou des images figées. En fait, le silence est écrasant et perturbe la vision. Mais dans le ressenti, on voit, on entend, on sent le Tout. J’ai vu des gens de ma famille que je ne connaissais pas et d’autres encore. Sans doute étions-nous liés par l’esprit, je ne sais pas.


J’arrive dans un lieu où les maisons et les boutiques ressemblent à un décor de western. Les rues sont désertes, Valérie est toujours là. « Ici, on ne manque de rien, regarde. » J’entre dans une des baraques où sont présentés des manteaux de fourrure. Je penche la tête et autour de mon cou s’est lové une queue de renard blanc. Je pense à ma mère, ça lui ferait tant plaisir mais c’est impossible, je sais. Je ferme les yeux et…


Je suis dans le vide, la terre devient de plus en plus petite, il y a des étoiles partout. Les planètes défilent ou c’est peut-être moi qui bouge. Des séquences d’images affluent si nombreuses que je ne puis dire ce que j’ai vu. J’ai seulement ressenti une grande pression émotive. Soudain, tout s’arrête, je flotte, l’infiniment grand rejoins l’infiniment petit, tout est là et c’est euphorie. Les planètes deviennent les têtes de bonzes rieurs, je ris.

«Ne sépare pas, ni les corps, ni l’esprit, ni les choses»

«Regarde la nature, elle sait si bien te montrer le chemin, observe »

« Parfois savoir n’est pas toujours bien, tu ne sais jamais »

«Chacun doit être à sa place, il en est ainsi des plantes, des rochers, de la terre, du vent et du ciel. Chaque chose tient une place importante »

« L’homme seul a le pouvoir de transformer les choses par sa propre conscience. Faut-il seulement l’avoir à l’esprit»


Sommes-nous si importants ?

Valérie dit : « demain, tu chausseras mes mocassins et tu verras »

Tu chausses du trente-huit et moi du quarante voire parfois du quarante et un.

Je me lève et les chausse instinctivement.

Je les ai portés jusqu’au jour où ma mère les jeta, ne croyant voir que de vieux mocassins aux semelles trouées.


Alan Shepard est le premier homme à faire du golf sur le sol lunaire. Parti le 31 janvier à bord de la navette Apollo 14, avec Edgar D.Mitchell et Stuart A.Roosa, Shepard s'est séparé de la capsule pour se poser sur la lune. Mitchell l'accompagne lors de sa "promenade lunaire" qui dure 4 heures et 34 minutes. Grand passionné de golf, c'est au cours de sa deuxième ballade (4 heures et 48 minutes) qu'il frappe quelques balles près du cratère Fra-Mauro. Shepard est le cinquième homme à avoir marché sur la lune.

Nous sommes le 6 février 1971. Ely Mazab est enceinte d'un mois mais ne le sais pas encore. Tout droit sortie du métro, ses longs cheveux noirs flottent dans l'air de Paris. Placée en bandoulière sur le côté droit de sa hanche. La sacoche de cuir rouge à perles indiennes rebondi à la cadence de ses pas. La robe de velour côtelée marron s'ouvre sur des collants de coton et bottes de cuir, il fait encore froid à cette époque de l'année. Voilà un portrait assez juste de ma mère. J'oubliais sa peau blanche et ses yeux, d'un bleu si vif que tous les maraîchers de la rue d'Aligre l'appelaient "Ely Mon ange" / "Ely ma lune".

Tous les matins elle balançait de la fenêtre du troisième étage, un panier en osier encordé et Robert le vendeur d'agrumes, lui chargeait quelques pamplemouses. "Tire Ely mon ange, tire le pampy jusqu'à la lune". Les rires d'Ely, les rires du ciel, relancait de plus belle. Robert ne pouvait s'empêcher de bomber le torse, les poings sur les côtés en criant : "voyez mesdames, comme mes agrumes sont bons et comme ils rendent beau, achetez les vite. Amour, joie et vitalité du marché à la maison". Ely rendait les matins chantant.

L'origine du monde



J’ai toujours cru que les femmes qui portaient des talons aiguilles étaient des meurtrières. Cela remonte sûrement à la nuit des temps, quand – il - lui ôta une côte pour qu’elle devienne sa complémentaire.

Le monde ne se nommait pas, chaque chose n’était qu’un. Elle naquit d’un rayon de lune – il - assiste à la scène et lui aussi. Elle n’était pas vraiment à son image, de profil il lui semblait qu’elle fut difforme. Ces amas de chair mal placés et ce talon qu’il ne possédait pas – lui se méfie.

La végétation épaisse laissait à peine entrevoir son bain. Son corps était lumineux, elle tenait dans sa main son pied meurtri. Elle avait un talon aiguille de chair – lui, est si fragile.

Elle souffrait souvent de se prendre les talons entre deux rochers. Cette expérience terrestre lui valait de grands moments dans l’eau. Il ne lui voulait pas de mal, seulement l’apprendre. Savoir tout d’elle le rendait fou.


Annka

Pourquoi est-il si important que l'art vive ?



Nous sommes à un moment charnière de l'histoire humaine... Le 11 septembre 2001, est le point névralgique de cette prise de conscience, d'un éventuel basculement du passé dans le futur. L'attentat est évidemment un désastre humain mais aussi la preuve que les Etat-Unis ressemblent à un colosse aux pieds d'argiles. L'équilibre économique mondiale semble fragilisé par la détermination de personnes prêtes à braver la vie au nom de Dieu.

La raison qui me pousse à écrire ce mémoire "artistes trop artiste" c'est cette vision disproportionnée d'un monde peuplés par trop d'éveillés. La société élève sa batterie d'êtres humains devenus spécialistes, certes mais en plus fans de cette forme aigue de reconnaissance sociale. Nous sommes fans de performances sportives, techniques, fans de tout ce qui nous occupe à faire des absurdités. Nous vivons une époque moderne...

11 septembre 2001

sans titre

« Celui qui se perd dans sa passion, perd moins que celui qui a perdu sa passion »

Saint Augustin

« La folie chez les autres, c’est notre bon sens, à nous artistes »

Claude Mussino

ouvrir le bec

artiste trop artiste

Artiste trop artiste

L’inutile absurdité de l’art

Préface

Buridan, un penseur du Moyen Age, nous demandait de méditer sur le cas d’un âne qui aurait aussi faim que soif et qui serait placé à égale distance d’un seau d’eau et d’un picotin d’avoine. L’âne se laisserait mourir de faim et de soif. Il faudrait qu’il soit comme l’homme doué de libre arbitre, pour pouvoir prendre une décision en dehors de tout motif prévalant. Car nous aurions ce pouvoir d’accomplir n’importe quel acte, tout à fait absurde, étranger à tout motif, si seulement si nous avons décidé de l’accomplir. Etre dans une section, art et société actuelle, me permettait de prolonger et d’approfondir mes interrogations sur les nécessités pour un créateur de croire dans la représentation. Pourquoi l’homme a-t-il besoin de créer des représentations et des modèles ? Son imaginaire est-il nécessaire à son développement ? L’homme ne tente-t-il pas de se désincarner dans la représentation ? Ce libre arbitre, n’est-il pas dû à cette perte de l’identité ou de ses origines? Cherche-t-il un modèle ? Le créateur d’art contemporain est-il dans une vision trop artiste ? L’absurdité dans la représentation, produit-elle un impact dans notre société ? L’artiste ne met-il pas en place un système symbolique d’idées creuses annonçant une nouvelle valeur, celle d’un art inutile ? Toutes ces questions annoncent une volonté de trouver des liens qui unissent l’homme, son imaginaire et l’environnement à son potentiel créatif.

Introduction

L'art contemporain est polymorphe. Toutes les tentatives d'enfermer l'art d'aujourd'hui dans une définition, comme celles qui délimitent l'art classique, ne semblent pas appropriées. L'art est devenu profane et le sens de la beauté évolue.

Cette beauté "païenne", prolifique, nous invite à constater du mouvement de la création. La transhumance des concepts au travers du temps, bouscule les notions encore bien ancrées que nous avons acquis. Le Beau s'est déplacé sur les pages de nos magazines, dans le design ou la mode, organisés selon les principes de l'équilibre, de l'harmonie et de la symétrie. Le Beau s’est intégré à la perception que l’on a du monde moderne. Alors, la question que l’on se pose est : Que reste-t-il à l’art contemporain si l’on sait que le "Beau" tombe à l’eau ?

Peut-être est-ce le merveilleux, l’élevé, l’imaginaire, l’extraordinaire, le noble, le parfait, le transcendant ou le sublime ? Nous pouvons évoquer cette piste quand nous constatons que l’homme possède en lui toutes les clefs au dépassement. Cette mise en abîme de l’observation par la représentation plonge l’homme dans une quête infinie, celle des déductions et des raisonnements.

Mais pour comprendre les rouages de cette fascinante création artistique, il faut s’attacher au développement de l’homme sur terre. Le moteur de cette adaptabilité à la vie est la conséquence d’une transmission de savoirs liés à l’instinct de survie mais aussi à l’ignorance de l’origine de la vie humaine sur terre, donc l’absence de modèle. Cette absence de modèle nous pousse inéluctablement à créer des représentations, sous toutes ses formes de perceptions (langages, objets, habitats, moyens de communiquer…) La représentation fait œuvre de modèle, elle a la faculté de prouver l’efficacité de notre pensée et parfois, elle la modifie. Cet échange constant entre l’artefact et l’homme est nécessaire pour son évolution. Alors plus rien n’empêche les accidents de parcours qui peuvent entraîner l’homme sur les chemins transversaux du progrès.

Cet affranchissement de l’homme par l’homme, lié à cette perte du modèle, le rend plus fort. Au cours de son histoire, l’homme se soumet, de moins en moins, aux lois naturelles et puise sa force dans un courage sans limite… Cette prise de conscience du pouvoir par la conquête de nouveaux espaces, de l’outil ou la maîtrise des éléments, brise toutes les règles d’évolution du règne animal. Malgré toutes ses découvertes, l’homme est sans réponse face à l’énigme de son origine. Nous pouvons penser que l’homme devient croyant parce qu’il est soumis aux éléments qui le domine ? Peut-être pas, puisque depuis qu’il est Neandertal, il se sait être le plus féroce des prédateurs. Face à la mort d’un proche, le souvenir subsiste et l’absence physique provoque le questionnement. La vie est un pont qui se situe entre deux silences. L’homme ne manque pas de s’associer à tous ces phénomènes qu’il n’explique pas, il en devient mystique. Mais n’en restons pas là puisque nous aborderons plus tard la question du religieux, un sujet assez important dans l’histoire de l’art. Je souhaite orienter les regards sur l’absence du modèle. Dès lors, l’homme mettra tout ce qui l’entoure au défi de lui résister. Il défie l’apesanteur en édifiant des architectures colossales. Il traverse les océans, marche sur la lune et tente d’aller toujours plus loin. L’homme est prisonnier de sa condition qu’il tente d’enfreindre avec une volonté que l’on appelle, liberté. Les exploits qu’il accomplit, ont souvent induit la notion du divin, comme ces lutteurs qui, lors des jeux d’Olympie, étaient considérés comme des demi-dieux.

Le sport est une de ces pratiques qui honorent la notion de dépassement. Il a cette faculté de transmettre la gloire personnelle en gloire collective. Ironie du sort ou décision mûrement réfléchie, les Jeux Olympiques se déroulent à Athènes en 2004 pour inciter les pays à réaliser une paix durable. Le sport ne servira plus la guerre ou le pouvoir nationaliste, la boucle est bouclée sur un autre Idéal. Ce message semble d’autant plus fort qu’il fait renaître de ses cendres, le mythe athénien dont le porte-parole Socrate faisait du monde occidental le monde d’aujourd’hui. Les athlètes de 2004 se sont battus pour une vision plus altruiste du monde et ont su édifier positivement l’image du collectif. La Corée du sud et la Corée du nord ont porté le même drapeau. Quatre-vingt dix mille personnes se sont unies pour recréer l’histoire des Jeux Olympiques, lors de la cérémonie d’ouverture. Un clin d’œil à l’histoire qui traduit la volonté de prolonger l’humanité vers une amélioration des échanges internationaux. Athènes semble sonner le glas d’une adolescence trop humaine en démontrant que le progrès est collectif.

Le progrès tiré du latin progredi, signifie avancer. Il ne possède pas les caractéristiques d’une progression continuelle comme l’évolution et ne répond pas à une logique d’adaptation. Le progrès est mu par le besoin, chez l’homme, d’accomplir des actes inutiles. L’homme est le seul être au monde capable d’un mouvement altruiste en dehors de la sphère restreinte des affections instinctives, familiales ou sexuelles. Ce qui le pousse à élargir ses connaissances et ne pas suivre la logique évolutive de l’animal. Si nous considérons que l’évolution est basée sur une notion de question-réponse, exemple, la fleur allonge son pistil et l’insecte, sa trompe. Le progrès n’est pas dépendant de la relation entre les individus. Il s’épanouit dans l’observation gratuite des phénomènes naturels ou pas, le progrès d’une maladie, d’une inondation ou le progrès technologique. Le progrès s’apparente, chez l’homme, à une certaine forme de gratuité, liée aux applications, déductions, recherches et connivences entre notre esprit et la nature. Souvenons-nous de Newton, qui, ayant observé la chute d’une pomme sous l’effet de son poids, découvre l’attraction universelle.

L’art contemporain a cette particularité de paraître absurde et sans intérêt pour le plus grand nombre d’entre nous, depuis qu’il s’est affranchi de cette servilité religieuse, classique ou mimétique. Le rôle de l’art n’a pas d’impact direct sur la société et son utilité ne semble pas évidente. La liste des inconvénients peut paraître longue, dépenses économiques absurdes, blanchiment d’argent ou détournement de fonds, formes spectaculaires, disparités, temples de l’élitisme, sur identification des artistes, provocations gratuites, éclectismes débordants… La nouvelle création survit grâce au bon vouloir de nombreux bénévoles et éditeurs, les artistes reconnus dépendent du marché et la société ne semble pas voir dans la création contemporaine un intérêt public. Pourtant cette triangulation entre le modèle, l’homme et son milieu est la première équation à la survie de notre espèce.

Nous tenterons, lors de cet essai de démontrer des liens qui existent entre l’absence du modèle et l’énigme de nos origines et de comprendre les impacts du progrès ou de l’évolution sur nos contemporains.

1. Aux origines de l’humanité.

Il y a dix millions, des formes de vie de plus en plus complexes font leur apparition, les mammifères. Les dinosaures ont disparus depuis cinquante millions d’années. Dans les grandes forêts africaines plusieurs espèces de primates s’épanouissent. Ces populations de singes vont se faire piéger par une catastrophe naturelle. La faille du grand rift se forme. A l’ouest de cette faille, une grande barrière montagneuse surgit du sol, à l’est un haut plateau, puis la mer. Les conditions climatiques vont faire de ce plateau une zone aride. De part et d’autre de la faille, qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres, la vie va s’organiser de manière radicalement opposée. Les singes de la forêt et les singes de la savane vont évoluer de façon différente. La dérive des continents a donné à la terre le visage qu’on lui connaît. C’est à cause de ces changements de temps, que singe de la savane va devoir s’adapter pour survivre, il y a cinq millions d’années. Les quelques arbres restant sont un piège car il ne reste plus rien à manger. Alors il faut investir le monde d’en bas ou mourir. Mais à quatre pattes les hautes herbes empêchent toute visibilité. Le singe va donc décider d’avancer sur ses deux pattes arrière le plus longtemps possible pour trouver sa nourriture. Il devient bipède et ouvre le pas à de nombreuses générations de pré-humains dont l’australopithèque. Mais il y a trois millions d’années, le premier homme est sur le point de naître, l’Homo Abilis. Son invention va sceller notre destin, l’outil. Bien sûr il faudra des milliers d’années pour que l’outil se perfectionne. L’Homo Ergaster découvrira le monde en resserrant les liens sociaux. En Asie, l’Homo Erectus apprend à se servir de ses armes pour chasser en toutes saisons. Il se nourrit essentiellement de viande fraîche et devient prédateur en utilisant la force du groupe. La viande pleine de protéines nourrit et accélère le développement de notre cerveau. Les outils de plus en plus long à réaliser demande la disponibilité du groupe. La transmission du savoir favorise l’apprentissage entre les hommes, les femmes et les enfants. Il y a cinq cent mille ans, le feu a été découvert par l’homme, au même moment. En Europe, l’homme de Neandertal va résister au froid, il sera le plus résistant des hominiens. Il est la créature la plus dangereuse du monde animal grâce sa grande maîtrise des pièges, des outils et du feu. Mais tous ces hommes ne sont pas nos ancêtres. Seul l’Homo Sapiens possède le même ADN que nous. Il est né dans un endroit inconnu. Partout dans le monde, les hommes suivent la même évolution, ils construisent une société nouvelle, fondée sur l’accumulation des connaissances. Cette culture, ses croyances héritées du fond des âges, Homo Sapiens va les fixer avec les siennes sur les parois de ses cavernes. Après avoir exploré la terre, il invente l’art et se lance à la conquête d’un nouveau monde celui de l’imaginaire.

Les animaux qui survivent au cours des millénaires sont des espèces adaptables. Les changements climatiques, les maladies opèrent en faveur d’une sélection naturelle qui ne favorise pas les espèces endémiques. Pour survivre, il faut déployer des formes sociales complexes. En Tanzanie, les découvertes offrent une vision plus claire sur l’organisation de ces micros sociétés, il y a vingt quatre mille ans. La grande période de glaciation ne permettait pas à l’homme de pouvoir se réunir en petits groupes de plus de trente individus. La survie de la tribu était conditionnée par un savant équilibre entre le nombre d’individus, la nourriture trouvée et les femmes fécondes. Dès que l’harmonie était rompue cela occasionnait des départs ! Ainsi le sang était constamment renouvelé et le savoir circulait entre ces populations nomades. Mais la découverte d’un camp sédentaire en Moravie, République Tchèque à la même époque, transforme toutes nos notions. Une société de plus de cent individus peuplait un vaste territoire. Des habitats confectionnés de défenses et de peaux de mammouths logeaient des spécialistes. Les archéologues ont trouvé sur des lieux ciblés du camp, d’innombrables silex dont la technique demande un grand savoir-faire. Les espaces étaient gérés selon les besoins du groupe et les savoirs-faire des individus. Ils ont pu en déduire que cette société était organisée selon des codes sociaux complexes et les premières formes de langage articulé avaient fait leur apparition. Le groupe favorise la sociabilité. Nous observerons plus tard que dans toutes les sociétés d’êtres vivants, plus le cortex est développé et plus les sociétés sont complexes. Nous sommes les seuls sur terre à utiliser vingt pour cent de notre énergie, simplement pour faire fonctionner notre cerveau. Une preuve que le manque de nourriture pouvait être déterminant pour l’espèce. Mais le plus impressionnant, c’est la découverte de nombreuses œuvres d’art sur ce camp. La sédentarisation a permis à ces individus, grâce à un gain de temps et à la répartition des tâches, de concevoir des créations plus sophistiquées les unes que les autres. Certains objets servaient à l’ornementation mais d’autres n’ont pas encore livré tous leurs secrets, objets de cultes, jouets pour enfants ou moyens de transmettre un savoir-faire ? Pourquoi ressentons-nous le besoin de créer ou de représenter les choses qui nous entourent ?

2. L’évolution : une forme concrète.

Cette tentative d’établir le lien entre l’énigme de nos origines et l’absence du modèle est l’une des approches hypothétiques que nous pouvons émettre. Quand, dans une équation nous tentons de résoudre une énigme, l’inconnue est remplacée par un chiffre jusqu’à ce qu’elle nous livre la solution. La représentation n’est-elle pas un placebo à l’énigme de nos origines ? Pour faire le lien, nous allons contourner le sujet en parlant d’évolution. La conception occidentale de l’évolution est largement tributaire de Darwin. Selon des biologistes tels que Stephen Gould, François Jacob ou Richard Dawkins, la conception mécaniste de l’évolution procède par mutations contingentes. Nous parlons de paradigme darwiniste. Exemple, un gène subit une mutation au hasard. Si la mutation est bénéfique, l’individu sera mieux adapté à son entourage et sa descendance aura de meilleures chances de survie. Si elle est mauvaise se sera le contraire. Ainsi une espèce peut disparaître ou au contraire proliférer. Mais ce modèle de pensée scientifique peut être contester quand nous observons avec quelle intelligence la nature se sert de leurres. Telle plante se déguise en femelle de l’insecte qui aide à la dispersion de ses spores pour attirer un congénère. Telle autre imite l’odeur de charogne pour attirer les mouches dont elle se nourrit. Il semble donc au contraire que l’évolution n’est pas le fruit du hasard, mais sert une intelligence dirigée vers une fin précise. Lorsqu’elle a lieu, l’évolution apparaît comme le moyen de résoudre un problème qui se pose à un individu ou une espèce, et elle consiste en une adaptation intelligente et précise à ce problème. La nature crée des ressemblances, utilise ses sujets comme modèles et tente de les reproduire pour survivre. Mais c’est chez l’homme que nous trouvons la plus haute aptitude à produire des ressemblances. Ainsi quand nous nous posons la question de la nécessité de l’enfant à reproduire des attitudes adultes. Walter Benjamin répond que pour comprendre l’ontogénétique il faut se référer à la phylogénétique. C’est à dire, que ce modèle, au cours des générations évolue jusqu’à en perdre son origine. Par exemple dans les danses, dont c’est la plus ancienne fonction de déterminer les changements au cours de l’histoire. Le modèle est en relation avec le présent, immanent et porteur de son origine. Il est aussi le regroupement de phénomènes multiples qui selon le cours de l’histoire place en premier ceux qui s’adaptent le plus à la situation. Le modèle est donc construit sur l’oubli pour répondre aux besoins futurs. Nos origines s’enfoncent petit à petit dans les méandres de notre inconscient. Maintenant, peut-on alors parler d’une évolution humaine ?

Si nous considérons que le singe anthropoïde se transforme en homo sapiens, alors pourquoi ne suit-il pas une évolution naturelle ? Pourquoi ne prend-il pas pour modèle la nature ? Quant ce primat arbore son corps dans la savane, pourquoi ne prend-il pas l’aspect de celle-ci ou de ses ennemis ? Pourquoi perdre ses griffes et ses dents pourtant si utiles dans la jungle ? Le chemin qu’il va prendre est loin de favoriser la survie de l’espèce, il est en danger d’extinction. Les paléontologues estiment avoir trouvé les fossiles de diverses lignées humaines ou hominiens qui n’ont pas survécu aux pressions du milieu préhistorique. La nature aurait ainsi engendré plusieurs espèces d’hommes inaptes à survivre dans de telles circonstances et répéter ces conjectures jusqu’à ce que cette espèce inadaptée puisse exister. Si Darwin a raison, l’homme n’est pas le produit de la nature mais il est contre nature. Il ne développe plus de facultés mimétiques, il façonne son propre modèle en utilisant son intelligence et sa conscience. Contre toutes attentes, le cerveau se développe au détriment des autres organes du corps, lors de cette lente transformation. Ce cerveau, grand consommateur d’énergie demande de plus en plus ressources et pousse les hommes à découvrir toutes sortes de moyens pour se nourrir. Plus l’homme est capable de réflexions abstraites, de créativité, d’imaginaire et plus il est obligé d’adapter le milieu naturel à sa condition de vie. Il faudra environ cinq millions d’années pour que l’australopithèque devienne homo sapiens mais depuis l’homme n’a pas beaucoup changé physiquement. Il a perfectionné ses outils et ses connaissances du monde grâce à des modèles qu’il a su mettre en œuvre. Les mathématiques lui ont permis d’aborder la face cachée du monde et la mesure de cette progression semble inavouable. Pouvons-nous réellement parler d’évolution ? Si l’évolution naturelle, telle que nous la connaissons, agit sur les êtres vivants en les transformant. Cette transformation répond à une urgence, celle de la survie. Pouvons-nous sincèrement parler de survie en ce qui concerne l’espèce humaine à partir du moment où fort de notre expérience nous répondions à nos besoins physiques ? La réponse semble prendre forme dans l’abstrait.

3. Le progrès : une forme abstraite.

Le progrès signifie plus que du changement. Un progrès constitue par rapport à l’état précédent une véritable mutation. Cette mutation est souvent considérée comme une amélioration mais nous laisserons aux philosophes le soin de juger si un progrès peut être compris comme tel. Ce qui le différencie de l’évolution c’est qu’il ne puise pas ses modèles dans le même registre. L’évolution dépend de la nature et le progrès de l’imaginaire. Nous aurions pu associer le progrès à la technique, creuset de l’application, mais l’imaginaire est sa source. L’exemple de Léonard de Vinci est probant lorsqu’il immortalise dans ses carnets, des dessins visionnaires. L’imaginaire fait partie de l’homme, introduisant la notion de progrès, provoqué par la perception du sensible. J. Lacan introduit l’idée que l’imaginaire reflète le désir dans l’image que le sujet a de lui-même. Ce qui voudrait dire que le modèle auquel nous nous référons est bien l’homme et non la nature. Cette vision ethnocentrique des hommes est archaïque. Nous ne pouvons pas omettre la nature qui influence ces processus d’échanges de représentants. Sans tomber dans un débat de progrès évolutionniste. L’évolution existe dans le progrès, il s’en inspire mais non l’inverse, Même si le progrès s’inscrit dans un processus graduel et que nous percevons au travers de lui une continuité ; Le progrès incarne la discontinuité. L’imaginaire n’existe que dans l’esprit, construction chimérique, comme une superposition d’images, offrant à notre souvenir une surface écrêtée.

Il y a une évolution visible entre l’hippomobile et la voiture que nous connaissons mais cette continuité dépend de l’imaginaire humain. L’homme se situe entre l’imaginaire et le produit fini, le progrès est le mouvement qui relate de cette trajectoire. Nous pouvons donc évoquer le progrès telle une mutation et l’homme comme un véhicule transformateur d’énergie. Si, il n’y a pas d’échanges directs entre les artefacts, faisant référence aux être vivants qui opèrent des mutations dans la nature par mimétisme ou sauvegarde, la notion de progrès est, par conséquent, discontinue. Cette discontinuité est importante pour engendrer dans le progrès, la notion de création polymorphe et collective.

Revenons à l’exemple de Newton. Une simple pomme déclenche toute une réflexion qui occasionne de grands changements dans nos connaissances. Il nous semble logique aujourd’hui que tous corps en chute libre subissent l’attraction terrestre. Mais cette évidence n’a lieu d’être que parce que nous l’avons apprise. Si nous travaillons notre regard sur ces évidences nous savons qu’au-delà du savoir, il est difficile de comprendre ces lois qui régissent l’univers. Nous en avons seulement une perception conceptuelle. Derrière les mots « attraction terrestre » nous reconnaissons l’idée qui est définie par : deux masses s’attirent, en raison inverse du carré de leurs distances et selon la droite qui les joint. Ce concept, nous l’avons intégré au référent des évidences mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Le mouvement perpétuel de création avec les formes abstraites et non visibles influence notre quotidien, nos devenirs. Ne faut-il pas s’interroger sur l’événement d’une pomme qui tombe dans un verger de pommiers ? Un moment où la banalité de l’instant peut nous conduire à créer. La création nous permet de questionner les évidences, d’émettre des doutes et d’ouvrir les portes sur l’imaginaire.

Les mathématiques contribuent à développer cette acuité que nous avons sur le monde. Un modèle, en constante équation avec le monde visible. La création de ce nouveau modèle, impalpable, agit de façon métaphorique. L’homme transpose dans les mathématiques, la nature. L’observation d’évènements qui se sont produits dans l’astronomie ou la physique ont été transcrits en lois mathématiques. L’application de ces théories répond aux nécessités du progrès. Entre nos moyens actuels de communication et ceux de nos ancêtres apparaît une succession de transformations si indiscutable que personne ne peut nier l’existence même du progrès technique, au sens du perfectionnement indéfini de ses réalisations. Cette absence de modèle provoque une soudaineté de production, polymorphe, prolifique et discontinue.

LE PARFAIT EST CENSE N'ÊTRE PAS DEVENU. - Nous sommes habitués, en face de toute chose parfaite, à ne pas poser le problème du devenir, et à jouir de sa présence comme si elle avait surgi du sol par un tour de magie. Chapitre IV de Nietzsche Humain trop humain.

Cette soudaineté de production dont parle Nietzsche (1844-1900), c'est cette fantasque manipulation de l'illusion. Une mise en abîme de la technique au profit du caractère impressionnant de l’œuvre trompant le spectateur, ce que Nietzsche jugera comme un sentiment mythologique archaïque. Ce même sentiment semble se rapprocher de nous, quant au regard que nous pourrions porter sur les productions évènementielles, télévisuelles ou artistiques, basées sur une recherche toujours plus élaborée des sensations, nous nommons la télé réalité, la presse à scandale ou les oeuvres provocatrices. Est-ce que vivre l'illusion au quotidien engendre le dépassement de ces mécanismes parfaits?

Je ne pourrais répondre à cette question sinon en la contournant par la notion de savoir. E. H. Gombrich dans L'art et l'illusion parle de cette possibilité de voir disparaître le savoir lorsque nous cessons d'être émerveillés. Les Grecs n'ont-ils pas dit que l'émerveillement est à l'origine du savoir ? Faut-il encore être émerveillé, comme le suggérait Platon ? Posséder ce savoir pour décrypter l’œuvre ou la comprendre dans ce qu’elle donne à voir. Ainsi la représentation fut-elle différente selon les savoirs. Mais plus encore, nous ne serions voir ce que nous n’avons pas appris. Par exemple, notre œil décèle le plein des formes et en déduit le vide alors que nous pourrions voir le vide comme une forme pour en percevoir le plein… Hegel (1770-1831) décrit la prise de conscience de l’enfant, qui en jetant une pierre déforme la surface de la rivière. Cette prise de pouvoir sur l’extérieur crée un jeu de miroirs entre le monde environnant et soi. Ce savoir est la volonté d’une manifestation empirique. L’apprentissage théorique et la pratique sont unis dans la connaissance.

Ne doit-on pas dire, déclare Platon, dans le Sophiste (266 C.) qu’avec l’art de construire nous créons une maison et qu’avec l’art de la peinture, nous créons une maison différente, une sorte de rêve artificiel pour ceux qui demeurent éveillés. Platon utilise le même référent et fait lien entre le monde visible et le monde invisible des idées. Le lien, dans ce cas particulier, est la technique de représentation. Même si l’une des techniques pour Platon semble plus impalpable que l’autre, voir plus artificielle. L’auteur perdu, condamne l’inconnu ne trouvant aucune raison dans cette approche inutile, absurde où l’éveillé peut à tout moment se transformer en « idiot ». Pourtant l’empreinte de l’imaginaire dans le réel fixe les repères d’un monde encore inexploré. Un domaine sans limite, vertige de la création, refoulant tous les pragmatiques dans la sphère passive et contemplative. Le Mac Luhan Technology à Toronto pratique depuis des décennies un partenariat entre les artistes et les scientifiques. En 1996, à Saint Gervais, Genève lors du sixième festival international de la vidéo, un représentant venait témoigner des recherches qu’ils avaient exploré. Lors de la présentation il commentait :

« La création semble aujourd’hui opérer un retour à la prééminence de l’empirique sur le conceptuel, du fait de la vie sur la spéculation. Si la réalité a toujours eu besoin de réalité afin que la production artistique d’images soit autre chose qu’un simple clignotement lumineux de plus, immergé dans le flux des images du monde. C’est-à-dire non pas des images réelles ou du réel, mais des images surgies d’une expérience de vie réelle. » Les artistes avaient imaginé le projet de commander à distance, par la pensée, un objet mécanique. Les scientifiques avaient mis au point un programme algorithmique qui traduisait les signaux électriques envoyés par les capteurs fixés sur la boîte crânienne, en ordre. Cet ordre, selon les infimes mouvements nerveux du crâne, était traduit en intensité lumineuse et permettait aux véhicules roulants de capter la lumière sur des panneaux solaires générant l’action. Dans l’esprit de financer la suite des recherches, le centre vendait ce projet à l’armée américaine.

Selon Gombrich, cette description de l'art de construire ou de peindre ne peut conduire à l'émerveillement. C’est le tout, qui agit sur la perception et non cette facétieuse tendance à analyser, décrire ou disséquer les productions construites et artistiques. La curiosité nous tient et quand nous découvrons par quel habile stratagème l’illusion est, nous perdons à l’instant notre émerveillement. La notion de concept est donc primordiale, elle est dépendante de cette illusion. Par exemple, prenons le concept du four à micro-onde, nous savons qu’en y déposant à l’intérieur un bol de lait froid il devient chaud après une minute. Le simple fait d’appuyer sur un bouton ne livre pas le savoir des micros ondes ou de la conception même du four. Nous oublions qu’il est passer entre les mains de scientifiques, de techniciens, de petites mains, de commerciaux… Et si nous nous posons la question réelle du savoir-faire, nous ne connaissons rien. Le concept est bien vivant, et sa vie est rendue prospère par l’épiphénomène, l’oubli. Le concept est l’idée générale, nourrie par de nombreux savoirs. Nous retenons en lui un sentiment global, une pâle idée d’un savoir. La maison nous conduit inévitablement aux fenêtres, au toit, aux murs et à tout ce qui la constitue. Sous sa représentation la plus standard, nous l’imaginons tous comme les enfants, un toit pointu, rouge en tuiles, des murs blancs, deux fenêtres et une porte. Cette maison devient le concept d’une société où tout doit être en conformité et qui socialement nous permet d’appartenir au groupe d’être intégré et reconnu. Les techniques de représentation, qu’elles soient mentales ou applicables dans le monde réel, sont multiples. Elles permettent de se projeter en elle pour accorder l’être au désir de devenir un des spécialistes. Il est possible de peindre la maison sans que nous sachions la construire et vice versa. Le dépassement de ces mécanismes illusoires nous entraîne sur le chemin des compétences transversales, celles de la notion empirique et de la perception psychologique. Nous ne comprenons "l'image" que dans son ensemble. Bien qu'il y ait eu quelconque savoir, notre personne ne sépare pas, les traits, des couleurs ou des formes mais les appréhende selon des données "sensorielles". Adolf von Hildebrand dans un opuscule intitulé Le problème de la forme dans les arts figuratifs, tentait d'analyser ce processus en se référant à la psychologie de la perception. "Une sphère, se présente à la vue sous la forme d'un disque plat ; C’est le toucher qui nous indique les propriétés réelles de l'espace et de la forme."

Le développement de la sculpture grecque fixait les idées que les humains se faisaient de l'individualité de leurs dieux. Platon était préoccupé par la Mimesis, à laquelle il reprochait de n'être pas la chose elle-même, mais uniquement sa représentation. La Mimesis incarne une idéologie conservatrice, qui nie la créativité. D’hier à aujourd'hui, la Mimesis semble toujours présente comme art mineur. Elle se rapporte aux reproductions mécaniques dites culturelles et spécifiquement aux répétitions d'images ou de langage, tels que le postmodernes l'entendent. Pourtant, le mode de perception et de représentation que possède chaque individu vari. Si je demande à deux personnes d'imaginer un bleu, la couleur interprétée, ne sera pas la même. L'une pensera à un bleu ciel et l'autre à un bleu foncé. Que les formes de représentation soient palpables ou non, l'interprétation de notre monde évolue selon cette capacité à toujours pouvoir ouvrir d'autres voies d'interprétation. C’est ce que nous nommons le "filtre", perception sensiblement différente selon les individus, les humeurs et les contextes. Mais tournons-nous sur l'histoire qui nous plonge dans l'art de la Mimésis ou de l'abstrait. De cette observation nous ne pouvons nier que les formes ont lentement évolué selon les contextes mais que ces évolutions pouvaient prendre une voie inattendue, voire irrationnelle. Cette irrationalité n'est-elle pas une forme de progrès ? Pour Heinrich Wolfflin (1865-1945) dans Principes fondamentaux sur l'évolution de la forme, la forme évolue selon deux fonctions, l'une extérieure et l'autre intérieure. La forme extérieure est immédiatement expressive, c'est la beauté particulière. La forme intérieure est le médium dans lequel cette beauté, ce caractère sont réalisés. Or ce double visage, objet de connaissance, d'interprétation et de création nous permet d'approcher les contenus du monde environnant. Cette perception "tactile", pour Aloïs Rielg, n'est qu'une version subjective de l'histoire de l'art et préfère lui donner un caractère scientifique. Pourquoi se fier au sens tactile plutôt qu'au sens de la vision ? Grâce à son travail qu'il effectue dans les musées, Rielg s'attache aux techniques des arts appliqués. Il tente de prouver dans un ouvrage intitulé Spatromische Kunstindustrie (Les arts appliqués de la dernière période romaine, 1901) que les formes ont changé selon le progrès technique et par les changements intervenus dans les modes de perception. Il passe en revue l'art égyptien et démontre que l'absence de trois dimensions dans la représentation est liée à la mise en valeur des cinq sens. Les Egyptiens interprètent le monde par les modes de perception (données objectives) et ne se préoccupent pas du point de vue (données subjectives). Le profil est plus facile à reconnaître, le nez est symbole du raffinement, des parfums, des odeurs sucrées de fruits frais (offrandes aux dieux). Les pieds de côté, sont plus faciles à représenter mais il prouve d’une vie terrestre et d’une incarnation humaine réussie. Rielg décrit l'art de la Grèce comme un art de la vision s'attachant aux contours des formes. Il aboutit sur la dernière partie de l'art antique qui livre ses objets ou personnages aplatis et privés de formes. L'évolution artistique, selon Rielg, devrait poursuivre son chemin au travers de la Renaissance jusqu'à l'expressionnisme, triomphe de la perception optique. Hegel, lui, a porté l'esthétique a un haut degré de développement. L'esthétique est la science du Beau artistique. L'art est présentation de l'esprit sous forme sensible : il a donc même contenu que la religion, mais il l'exprime dans l'élément de l'identité, tandis que la religion l'exprime dans l'élément de la différence. L'élément de la différence est l'incarnation du divin. Pourtant, c'est dans le phénomène de masse, que se constitue la force des religions. Au-dessus de tout, la religion unie les différents peuples et l'on assiste à des tensions à l'intérieur même des pays, des territoires invisibles se forment. Pour que les passions s'animent dans la foi, il faut que l'élément pluriel s'adresse au singulier, à l'identité. Exemple : Si tu sers Dieu, tu iras au paradis. Si tu meurs pour lui, tu seras élevé au rang de martyr. L'art, a contrario, s'exprime dans l'élément singulier pour s'ouvrir vers le pluriel. Ce chassé-croisé agit comme des vases communicants, phénomènes vérifiables au cours de l’histoire.

« Tel est donc le grand fait qui domine toute distinction entre l’art moderne et l’ancien : l’art ancien est religieux, tandis que l’art moderne est profane. Encore une fois, prenez patience. Je dis que l’art ancien était religieux : c’est-à-dire que la religion était son premier but, le luxe domestique et le plaisir ne venant qu’en second lieu. Je dis que l’art moderne est profane : c’est-à-dire que le luxe domestique et le plaisir sont ses premiers buts, la religion qu’en second. »

John Ruskin.

La représentation picturale du divin pose un problème particulier à toutes les sociétés en raison de son statut immatériel. Ce statut accroît la perception d'un décalage entre la présence et l’absence, entre l'image et le mot référent. Le langage est déjà une représentation, le fait de nommer Dieu, Allah ou Bouddha, l’affecte à des rites ou dogmes que les hommes ont définis. La réitération de la représentation, au travers de l’univers pictural, a pour seul objet d’être de la propagande. Les bas reliefs qui ornaient les églises du Moyen-Age. Ils racontaient l’histoire religieuse destinée à la compréhension de tous, des analphabètes en autre. Le déclin de l'Europe après la chute de l'Empire romain a été attribué aux invasions barbares du V ième siècle. La disparition des formes artistiques n'est due que partiellement aux invasions. Si le déclin de l'économie et du commerce ont joué un rôle majeur, cela n'a pas empêché divers développements de l'architecture, notamment dans la construction de grands édifices monastiques et ecclésiastiques. Finalement de nombreuses raisons expliquent que le christianisme se sera opposé à toutes les formes de représentation, qu'elles soient théâtrales, sculpturales ou picturales. Toutes ces raisons sont liées à la volonté du religieux, de dominer sur les "païens". L'interdiction des images, prohibées dans les dix commandements, plaçait la représentation de toutes choses comme une ré-édition de la création de Dieu. L’art se mesure-t-il à la religion en entretenant avec l’histoire une volonté de donner une valeur à la dimension atemporelle ? Pourquoi vouloir donner à l’œuvre un caractère éternel ?

L’art a bien une histoire. Elle est dépendante des exigences du goût présent. L’histoire de l’art est la représentation de l’art du passé, production de la création culturelle. L’homme, par le prolongement de sa main, l’outil, lui permet de se développer dans le réel. L’histoire entretient la mémoire et place la création dans un prolongement durable. Les oeuvres qui marquent, échappent à leur insertion historique parce qu’elles résonnent dans le présent. Les œuvres qui sont réduites à leur statut historique sont considérées comme le témoin de l’époque. Toutes œuvres d’art peuvent être perçus historiquement mais leur valeur esthétique ne se réduit pas à leur valeur historique. C’est ainsi qu’est né le souci pour l’histoire d’enquêter sur le présent ou le passé récent dans une volonté de conserver l’événement, de lui offrir un support durable, plus durable que la mémoire humaine. De même que Hérodote et Thucydide forment le projet de conserver l’événement, visent l’éternel, non l’éternité intemporelle, mais une permanence durable dans l’actualité de la mémoire. Nous constatons que l’histoire se différencie de l’art par son projet scientifique mais tous deux, tentent d’échapper au temps.

Cette volonté d’inscrire l’art dans l’histoire, démontre que l’homme a le souci d’établir une traçabilité qui lui permet d’affiner son sens de la représentation.

Nos grands projets architecturaux du 20-21ème siècle sont plus que jamais sortis du sol. Ils jouent sur des critères de transversalité, mélangent les styles, empruntent à la nature ses formes, ses mimétismes. Calatrava nous livre dans l’une de ses dernières réalisations architecturales à Valence, une vision idyllique et futuriste d’un complexe culturel. Les effets de diversion sont présents dans l'architecture contemporaine, le Guggenheim à Bilbao empreinte aux bateaux et aux voiles une souplesse de l'enveloppe qui porte à croire, à l'envol de cette architecture. La grâce des arabesques dans ses volumes ouverts nous fait oublier le titane, matière principalement utilisée à l'extérieur du bâti. De gris et de reflets, l'enveloppe ne saurait parler des volumes internes. Une problématique chère aux concepteurs de ces grands projets, où, tantôt l'extérieur révèle l'intérieur, tantôt il le cache.

Les bâtiments aux structures d'acier et de verre, très en vogue au 20ème siècle pour leurs transparences et leurs effets de miroirs, marquent de nouvelles pensées en étroit lien avec la société, sa politique et son économie. Alain Mons parle d'évènements urbains lors des «grands travaux du président Mitterand» qu'il faut apprécier dans une modélisation formelle inspirée par les propriétés de l'image diffuse. L’agencement des espaces urbains influence les comportements. Au centre ville de Bordeaux, le tramway a réduit considérablement la circulation automobile au profit des deux roues. Cette ville a pu conserver son patrimoine architectural du 18ème au cours de l’histoire. Les grandes voies traversant le centre sont limitées par les anciens bâtiments. Le choix de réaliser un tramway supprimait un passage automobile. Cette nouvelle donne amorce de nouveaux comportements. Les formes architecturales émergeantes sont autant de symptômes visibles de l'activité spéculaire et spectaculaire de la société de communication, d'un ordre d'agencement et de consommation visuelle du monde. La facilité avec laquelle nous nous faisons de cet environnement contemporain relève du concept. L'objet global communiqué se définissant par le sens et se rapportant à une représentation de l'urbain.

A ne pas poser la question du devenir, ainsi suggérait Nietzsche, nous risquons de croire à la magie. Cette nécessité de croire et de développer l’imaginaire nous permet de quitter tous ces modèles mais elle est trompeuse et peut à tout moment se transformer en fervente croyance, en peur de la représentation ou en symbole tout puissant. Les mécanismes de cette illusion ne doivent pas être utilisés comme un liev motiv ou un moteur de nos sociétés. Ces recettes nous sont servies quotidiennement, elles stimulent la consommation, répondent à l’appétit vorace de la société qui consomme ses propres déjections. L’individu est noyé dans le collectif, il ne peut que s’épanouir dans une vision conformiste. L’aspect lissé d’une uniformisation pousse les gouvernements à établir des lois. Le port du voile dans les écoles laïques est soumis à l’autorité qui considère la société française comme une personne morale. Rêve vigilant, comme moyen de tromper pour disposer de l'âme du spectateur ou de l'auditeur. La science de l'art dont parle Nietzsche serait une posture analytique et rebelle qui tenterait de démontrer les fausses conclusions et mauvaises habitudes de l'intelligence. L'art deviendrait-il une science loin du beau et de l'esthétique relationnelle ? L'artiste peut-il être dupe de ses propres manipulations ?

De jeunes artistes internationaux sont choisis par des professionnels de l’art pour créer un forum de discussions sur de nouveaux enjeux que soulève l'art contemporain. Cette mondialisation de l’art n’aurait-elle pas tendance à uniformiser la pensée, posant les jalons d’un nouveau mode de perception celle de la vision de l'artiste par l'artiste ? Francis Ponge cite dans un de ces poèmes: elle se meurt dans sa propre nourriture, (La bougie). L'artiste est déjà un produit de foire sur les marchés de l'art. Lui aussi est dépendant de la demande s’il veut pactiser pour la reconnaissance de ce milieu. Hans Hanning, invité à l'exposition Trafic en 1996 au CAPC de Bordeaux marquait l’ouverture en invitant plusieurs jeunes filles à travailler sur des machines à coudre industrielles. Elles réalisaient à la chaîne des drapeaux d’un pays inconnu, pendant toute la durée de l'exposition.. L’artiste les donnait après le vernissage pour les accrocher aux balcons de la ville en signe de révolte contre l’exploitation de la main d’œuvre par les pays occidentaux. Exposition sur exposition, décalages horaires, Hans se faisait exploiter par le milieu de l’art, deux mois plus tard il fut interné pour une longue période. Aujourd'hui connaissez-vous Hans Hanning? C’est quand vous êtes connu que tout commence, on attend de vous que vous soyez toujours plus fort, irréprochable. Bernard Loiseau.

Les frais d'hôtels, de déplacements et de matériel de l’artiste sont à la charge du lieu d’exposition, dans le meilleur des cas, mais les honoraires de l'artiste sont inexistantes, à part peut-être pour notre cher Buren qui instaurait ce dictat entre les commissaires d'exposition et lui-même. Si l'artiste expose une oeuvre éphémère, comment vous semble-t-il qu'elle puisse être vendue ? C'est du bénévolat, une croyance dont tous profitent, un sacerdoce. Le plus saugrenu, c'est le nom que porte ceux qui s'occupent de l'artiste et sans lesquels l'artiste ne peut exercer son activité : Le curateur. No comment !

Bref, le système n'échappe à personne et surtout pas aux artistes, qui se jouant des mécanismes illusoires, tombent en plein dedans. Je ne vous parle pas de « grèves » d'artistes, leurs statuts n'existent tout simplement pas ou presque. Seule la Maison des artistes sert de couverture… sociale mais le statut réel est celui d'un indépendant. L'artiste se déclare en tant que profession libérale. Toutefois, nous nommons artistes ceux qui participent au système, nous pensons aux peintres, aux chanteurs, danseurs, sculpteurs... à tous ceux qui produisent quelque chose de tangible et palpable. Les autres, artistes installateurs ou performeurs n'ont pas de statuts réels, puisqu'ils ne vendent pas. Beaucoup, trichent avec le système ou vivent de revenus minimaux. Ce n'est évidemment pas viable d'un point de vu social et éthique. Dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, il est dit que tout travail mérite salaire et qu'aucune discrimination ne doit être faite.

La vision de l'artiste par l'artiste, n'échappe pas aux codes universels de l'art contemporain. Cette tendance à uniformiser la pensée repose la question des limites de l'art. Critiques, historiens, commissaires d'exposition, curateurs ou artistes tentent de placer des repères face à une production mondiale artistique éclatée. Les oeuvres sont pluriculturelles, pluridisciplinaires et empreintes aux différentes spécialités de nouveaux savoir-faire. Les conséquences ou suites du post-modernisme plongent les professionnels de l'art dans un flou artistique y compris les spectateurs de plus en plus hermétiques.

Les comportements ou habitudes de vie évoluent avec frénésie. Cette course à la technologie montre que le phénomène de mode est totalement lié à elle, dans l'expectative de vivre le Bonheur. Avoir le dernier ordinateur ou le dernier téléphone, c'est tout le confort espéré d'une vie bien réussie. Bien que du dernier cri, le téléphone portable sert à localiser et peu à communiquer. Jean-Paul Gauthier le nommera : « t'es où? . Aller au musée, à des vernissages en appart ou dans des ateliers d'artistes ne prouve pas un réel engouement du public pour les arts. Je préfèrerais employer des mots tels que, lieux de monstration ou curiosités culturelles. Est-ce les nouveaux enjeux de l'art? L'art serait-il à la mode? (Démodé ?)

LE SENS DE LA VERITE CHEZ L'ARTISTE. - L'artiste a, quant à la connaissance de la vérité, une moralité plus faible que le penseur; Il ne veut absolument pas se laisser enlever les signes brillants et profonds de la vie et se met en garde contre les méthodes et résultats par trop simplistes. En apparence, il lutte pour la dignité et l'importance supérieure de l'homme, en vérité il ne veut pas abandonner les conditions des effets les meilleurs pour son art, et tels que le fantastique, le mythique, l'incertain, l'extrême, le sens du symbole, la surestime de la personnalité, la croyance au miracle du génie : il estime ainsi comme plus considérable que le dévouement scientifique à la vérité, la permanence de son genre de création sous toute forme, aussi simple que paraisse cette dernière.

Effectivement, l'artiste n’est pas moralisateur, ce n’est pas dans son projet de rappeler les règles de bon fonctionnement et les valeurs de notre société. Bon nombre d'artistes du 19ème siècle comme E. Manet (1832-1883) ou P. Gauguin (1848-1903) ne sauraient avoir plus d'audaces picturales que les peintres de notre siècle. Ils remettent en cause toutes les lois académiques qui régissent la peinture pour peindre selon leurs impressions. La surestimation de la personnalité, la surenchère des effets employés, sont utilisés pour créer l'illusion, nécessaires aux réformes. Nietzsche, sous des formes ironiques et provocatrices, oppose la science à la culture en touchant le sens de la vérité chez l'artiste. L'auteur s'étonne de la force avec laquelle l'artiste a de défendre la permanence de son genre, face au dévouement scientifique, fait plus compréhensible de tous. Vous remarquerez que rien n’a changé depuis, et Nietzsche semblait et semble encore nous réconforter dans nos mauvaises habitudes de l'intelligence. L'idée que ce contemporain puisse faire l'impasse sur les plus importants points de vu philosophiques, est à exclure. Bien que nous ayons des idées très arrêtées à propos de la philosophie nietzschéenne, celui-ci se rapprochait d'Epicure (341-270 av J.C), en quelques points philosophiques. Notamment Epicure écrit dans une lettre : «Equipe ton navire, bienheureux, et fuis toute culture» allusion de Nietzsche qui se sert de la même métaphore, «Seul maître à bord, tu es le capitaine de ton propre navire». La science ne peut se garder de rester au stade de l'étude ou de l'analyse, elle expérimente et prouve. Maintes découvertes comme la fission de l'atome étaient déjà pressenties. Si nous devons comparer la tendance architecturale de la fin du 19ième siècle avec l'architecte Baltard pour la construction des Halles à Paris en 1854 et Calatrava, nous constatons que les deux architectes sont préoccupés par l’espace. Mais l’un, Baltard répond à une circulation dans des espaces qui facilite la communication et la sociabilité, l’autre Calatrava répond à une esthétique artistique. La technique employée est très étudiée mais les espaces sont désertiques.

Un pont presque plat et sans pied de l'architecte ressemble à une prouesse d'ingénieur.A Bilbao, une enjambée rejoignant les deux rives, de blanc et de verre, fait oeuvre et rien ne semble intriguer le passant. Sommes-nous impressionnables? Les grands projets architecturaux ne nous marquent plus comme avant, ils n’ont plus cette valeur mystique que l’on attribuer aux temples, aux institutions juridiques. Le musée du Cuggenheim à Bibao relève de la sculpture, de l’objet d’art et cet tentative d’inscrire le batiment traduit le vérité de l’architecte. La technique bien que de plus en plus élaborée, est reléguée à l'arrière plan. La représentation ou le témoignage de l'homme. Depuis la nuit des temps, l'homme se crée des repères, il a un besoin vital de représenter. Il définie son territoire en ayant pour intermédiaire l'outil. L'outil est le premier objet faisant ordre de fonction puis de représentation l'homme. Il est le moyen de sa survie et de son expérimentation qui ouvre le pas vers une incessante évolution. Les peintures rupestres témoignent aujourd'hui de l'activité principale des hommes, la chasse. Plusieurs hypothèses ont été étudiées mais la plus valable s'attache à la transmission d'un savoir. Une chose n'a pas changé au cours de l'évolution humaine, c'est cette volonté de toujours vouloir s'inscrire dans une traçabilité par la transformation ou une implication de son environnement. Les villes, les objets ou toutes les productions faites par l'homme sont façonnés à son image. Ils ne sont que la traduction de nos sens. Le toucher, le goût, l'odorat, l'ouïe et la vue participent à l'agencement de notre environnement. L'association de tous ses éléments dans un contexte particulier aboutit à une représentation de l'instant.

Notre conscience est en quelque sorte le chef d'orchestre de plusieurs inconsciences. Comment prendre la mesure de ce qui nous constitue, si ce n'est que d'en avoir une appréhension globale ? Personne ne pense quotidiennement à toutes ces vies qui nous composent. Notre conscience ne peut pas se focaliser sur le comment de la respiration à chaque fois qu'on respire. Bien sûr l'évidence est là, sous nos yeux mais travailler sur les évidences n'est si compréhensible que cela puisse paraître. Chaque vie qui nous constitue a son programme génétique, sa fonction dans l'organisme et les cellules du foie ne se prennent pas pour les cellules de l'estomac ou l'être vivant dans tout son entier. La fonction est donc un rôle déterminé aux aspects forts limités.

Pourtant la conjonction de toutes ces fonctions mènent à des représentations multiples et infinies parfois sans but réel de fonctionnalité. Ce que nous appelons esprit ou âme d'un corps, d'un objet, sont des visions globales et impalpables. Qui aurait la prétention d'appréhender la connaissance, dans sa totalité ? Personne. Peut-être reste t-il une civilisation actuelle ? La civilisation tibétaine s'en approche le plus. Elle a nommé et transmis cette pratique dans le champs philosophique. Le nirvana qui est une forme d'appréhension de la connaissance de soi et de son milieu naturel par le biais de la méditation.Si je réalise un schéma de notre mode de fonctionnement en considérant la tridimentionalité, ce schéma ressemblerait étrangement à un atome.

4. Physique quantique.

L’homme qui peignait dans les grottes de Lascaux ne semble pas être si loin de nous. Aujourd’hui les ethnologues émettent l’idée que ces hommes auraient pu se poser les même questions que nous. L’homme a du dans un premier temps, se détacher du modèle naturel, qui selon ses qualités et les évènements extérieurs ne favorisaient pas sa survie. Cette rupture occasionnait une lente transformation du regard de l’homme sur la nature, pour en comprendre son fonctionnement. Cette distance critique par la découverte de l’outil façonnait le premier miroir d’une civilisation de plus en plus consciente. Est-ce le regard que nous portons sur la nature qui façonne notre conscience ? L’homme sait percevoir en elle le reflet d’une intelligence de la matière. Ceci nous conduit directement aux thèses de Shri Aurobindo dans Le cycle humain. L’homme observe l’évolution de la nature et traduit l’émergence de l’esprit, du divin, dans la matière. La philosophie hindoue est entre autre, une théorie sur les fondements de la nature qui a curieusement bien des points en commun avec certaines théories de la physique contemporaine. En effet la mécanique quantique spécule sur les fondements derniers de la nature qui ne sont pas des particules matérielles mais comme le dit Ernest Schrödinger, du mind stuff, l’expression que l’on pourrait traduire comme substance pensante. Certaines expériences quantiques révèlent que la matière, dans ses composantes sub-atomiques, se comporte de façon télépathique, comme si une particule savait où se trouve une autre particule ou le trajet qu’elle a accompli. La philosophie védique considère que sous-jacent à la nature que nous percevons, il existe un champ de conscience qui est à la base de tout ce qui est. Le fondement de toutes choses serait la conscience, non pas la pensée consciente telle que nous en faisons l’expérience dans nos têtes mais la pensée telle qu’elle est à sa source, avant que telle ou telle pensée ait été formée.

Le caractère scientifique L'essentiel de la physique quantique réside dans la constatation que la matière présente un caractère ondulatoire généralisé. Autrement dit, elle est constituée par une superposition d'ondes. Pourquoi cette science est-elle appelée quantique? Cela vient du fait que le formalisme ondulatoire repose sur les équations différentielles. Quelle est la différence entre une équation classique et une équation différentielle? Dans le cas d'une équation classique on cherche une valeur qui satisfait l'équation. Dans le cas d'une équation différentielle on cherche une fonction qui satisfait l'équation. Par exemple la solution d'une équation différentielle simple est une sinusoïde. La fonction qui constitue la solution d'une équation différentielle dépend en général d'un paramètre. Ce paramètre ne peut pas prendre n'importe quelle valeur. Il doit être quantifié. C'est de là que provient le nom la physique quantique. Pour une équation différentielle simple, on a donc une sinusoïde qui dépend d'un paramètre. Ce paramètre c'est la fréquence de la sinusoïde. Il peut, par exemple, prendre les valeurs suivantes: 100 Hz, 200 Hz, 300 Hz,... La physique quantique n’a rien de mystique ou de religieux, cette pensée est scientifique. L’observation, l’analyse, la mise en tension des éléments, la comparaison, la théorisation, l’application empirique, la déduction et le raisonnement, sont tirés de la logique mathématique. Mais quand les équations de la vie restent insolvables, le plus grand nombre aurait tendance à se dévouer pour toutes les causes qui le sorte de cette humanité.

5. Perception du sensible.

L’homme est un être sensible. C’est grâce à nos sentiments que le monde tour à tour riche de promesses, inquiétant, hostile, prend pour nous une signification, une valeur. Si nous n’éprouvions aucun sentiment, nous serions comme absent de l’univers. Tout nous serait indifférent, aucun objet aurait de l’importance. Le monde cesserait en quelque sorte d’exister pour nous, tant il est vrai que la notion d’existence est liée à la notion de valeur, « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé », Lamartine. Cette notion de valeur induit la question de la hiérarchisation des sentiments, prouvant que les perceptions que nous nous faisons du monde sont régies selon des valeurs propres à chaque individu. Nos sentiments se nourrissent de notre vécu, de nos capacités physiques et mentales à résister, de la matière et de l’esprit dans ce que la plus petite cellule porte d’intelligence. Chaque parcelle, atome de notre corps seraient-ils en connexion avec notre esprit ? L’histoire de ce moine bouddhiste, Itigilov qui demandait à ses frères de l’exhumer trente ans après sa mort, est un mystère que la science n’a pu prouver. Fait extraordinaire ou preuve irréfutable d’une maîtrise totale de tout son être, les tissus de son corps gardent toujours la souplesse d’un vivant. Son corps, dans la position de lotus, n’est pas momifié, ni en putréfaction et a gardé sa position initiale. Ses bras peuvent bouger sans se détacher du corps, sa peau est lisse comme au dernier jour de sa vie. Son esprit s’est libéré et son enveloppe charnelle a gardé son apparence première. Comme s’il avait demandé à toutes ses cellules de comprendre qu’elles appartenaient à un corps et qu’elles devaient s’endormir, hiberner pour servir le tout, la connaissance. Entrons-nous dans la fiction ? Est-il étrange, de ne pas concevoir des liens qui unissent l’infiniment petit à l’infiniment grand, des possibles de la conscience sur notre environnement, des formes communicationnelles entre les êtres vivants ! Bien que tout cela paraisse incroyable, les scientifiques se penchent de plus en plus sur ces faits inexplicables et tentent de dépasser les formalités de la perception physique.

5. La notion de matière.

La notion de matière doit à Platon et Aristote sa première définition. Une table est faite de bois, une statue de marbre… La matière est le matériau dont les choses sont faites. L'esprit grec concevait toute chose sur le mode de l'œuvre d'art. Cf. Aristote, Physique II 194a. Dans le Timée, Platon représente la matière comme quelque chose d'indéterminé, au fond inconcevable en elle-même.. C'est le réceptacle universel, la nourrice universelle, la "mater" / mère, une chose agitée de mouvements sans ordre sous l'influence des idées. Pour Aristote, il y a différents degrés de matérialité. Cette table est faite de bois, mais le bois lui-même a déjà une forme, est déjà un composé de forme et de matière. Il faut donc aller au-delà du bois pour voir la matière, nous arriverons ainsi aux composants du bois ; mais eux-mêmes à leur tour sont composés de matière et de forme ; Nous ne voyons jamais une matière complètement dépourvue de forme. Aristote se représente le monde comme constitué de formes imposées à une matière qui elle-même est sans forme. Descartes (cf.Méditation) se demande ce qu'il y a de clair et de distinct dans l'idée de la matière. L'œuvre de Descartes a été d'éliminer de la matière toutes les qualités secondes qui viennent d'après lui des réactions de nos sens de la matière. Elle est plus construite par l'homme que la matière aristotélicienne ; celle-ci était bâtie sur le modèle de la construction humaine, mais elle nous conduisait à quelque chose de finalement à peine concevable, tandis que la matière de Descartes est en elle-même une construction humaine. Leibniz constitue, par opposition à la théorie cartésienne, qui a bien du mal de penser la relation en nous de la matière et de l'esprit, une théorie des forces de la matière. Comme les précédentes théories, celle-ci est en relation avec la pensée qui la constitue, en relation avec la pensée humaine en général. Le réel est constitué par des forces, et la pensée humaine perçoit en elle des forces. La conception qu'a Kant de la matière vient de l'imposition des formes de l'espace et du temps aux choses. (Cf. Critique de la raison pure ; esthétique transcendantale). Il y a cependant cette différence de plus, Kant est conscient du caractère humain et permettra à l'esprit de s'en libérer. Par ailleurs, il distingue mieux que Descartes l'espace et la matière, en tant que celle-ci est douée de force. L'espace et le temps ne sont pas suffisants pour la constituer ; il faut aussi que d'autres catégories interviennent, les catégories de substance et de causalité. Enfin l'espace kantien lui-même est moins un concept, comme celui de Descartes, qu'une forme de ce que Kant appelle la sensibilité. Hegel, suivant certaines indications de Kant, conçoit la matière comme caractérisée essentiellement par la pesanteur. Sous l'effet de l'hégémonie de la pensée scientifique, qui définit la matière en terme d'énergie, B. Russell écrit : Ma définition de la matière serait : est matière ce qui satisfait aux équations de la physique. La matière ne peut plus être définie que comme un ensemble d'événements dans l'espace-temps, le temps et l'espace ne pouvant plus être séparés l'un de l'autre.

6. La notion d'esprit.

Chez Platon l'esprit est le pilote de l'âme (Phèdre, 246a-246d ). Il y produit les pensées. Aristote, dans la Politique, note deux parties dans l'âme, l'une non raisonnable, l'autre raisonnable ; l'appétit caractérise la première, l'esprit la seconde. La Métaphysique met en relief l'esprit de notre âme, qui est d'ailleurs comparé aux yeux. Epicure voit dans l'esprit une sorte d'organe de l'activité cognitive de l'âme, organe générateur de choix, d'interprétation, de mouvement. Dans la philosophie médiévale, le mot recouvre l'ensemble des opérations de la connaissance, une sorte de faculté de l'activité psychique, par opposition avec le corps, la matière. Si nous voulons nous montrer précis sur le fonctionnement de cette faculté, nous possédons alors l'intellect. Saint Thomas, qui utilise souvent le terme d'intellect et voit dans l'esprit une partie de la puissance opératoire de l'âme, un organe du raisonnement. Leibniz met en exergue parmi les âmes l'esprit humain, lequel est seul à être doué de réflexion. Hegel est le philosophe de l'esprit absolu, puissance génératrice de l'activité intellectuelle à l'œuvre dans la culture, sous toutes ses formes historiques et sociales, et individuelles.

7. matière et esprit

La réponse matérialiste soutient que tout ce qui existe est matière, épicurisme, stoïcisme ou que la matière détermine la pensée, le marxisme. A l'inverse, l'idéalisme affirme la détermination de la matière par l'esprit (Platon, Hegel) ou l'existence exclusive de l'esprit (Berkeley). Le matérialisme prétend tout expliquer uniquement par la matière ; l'idéalisme réduit la matière à une existence illusoire et entièrement relative à l'esprit. Les conceptions mixtes, dualistes, accordent une existence autonome à la matière et à l'esprit mais le problème se pose de leur rapport dans le cas de l'union de l'âme et du corps (Descartes.) Dans la cité idéale de Platon, la classe d'hommes chargés de la production doit être dominée par l'intellect. Artisans et laboureurs composent cette race de fer (République, 415 ad) mue par de vils intérêts matériels, facteur de désordre, et dont la fonction s'apparente à celle du ventre dans l'organisme. Chez Marx, au contraire, le pouvoir doit revenir à ces classes ouvrières parce que productives qui, transformant la nature, doivent transformer l'histoire.

7. L’énigme de nos origines comme absence du modèle.... à suivre Annka